SAUVONS LE GRAND ECRAN !
Newsletter Juillet 2013 | |
Grand Écran ou Écran de fumée ?
Conseil d'Etat : la justice refuse de juger !
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Il y a exactement un an (juillet 2012) paraissait dans le magazine Le13duMois un billet sur le Grand Écran signé de Franck Evrard, qui vient de nous quitter.
Lors d'une réunion à sa mémoire organisée à la mairie du 13° le 28 juin, le vice-président de notre association a fait part de notre regret du départ de ce fin lettré dont nous appréciions l'esprit et l'humour, même si nous étions en désaccord sur le sujet abordé dans son billet.
Notre façon de lui rendre hommage est de rappeler son article, ainsi que la réaction que nous avions adressée au journal et qui n'a jamais été publiée (et dont nous reproduisons le texte ci-dessous) :
L'art qui cloche ou l'esthétisme qui tue
"Le billet intitulé « L’Art qui Cloche » paru dans le numéro du 13duMois de juillet 2012 sous la signature de Franck Evrard, professeur de lettres à Paris-Diderot et essayiste, est des plus brillants. On peut sans le trahir le résumer aux propos suivants : 1) Le campanile de l’immeuble Grand Écran Italie (c’est-à-dire la tour située à l’angle de l’avenue et de la place d’Italie et surmontée d’un mobile multicolore) est incongru ; 2) L’immeuble lui-même est « une construction indigeste et opaque en pierres traditionnelles » ; 3) Conclusion : « Il y a des maisons pour la tolérance culturelle, l’immeuble Grand Écran n’en fait pas partie ». Plus concrètement : on peut démolir la grande salle pour la remplacer par un multiplexe* !
Ce libelle rappelle en mineur la protestation des artistes - demeurée célèbre - contre la Tour Eiffel que publia le journal Le Temps du 14 février 1887, signée entre autres par Massenet, Gounod, Alexandre Dumas fils, Leconte de Lisle, Sully Prudhomme, François Coppée, etc… et dont l’attaque était la suivante : « Nous venons, écrivains, sculpteurs, architectes, peintres, amateurs passionnés de la beauté jusqu’ici intacte de Paris, protester de toutes nos forces, de toute notre indignation, au nom du goût français méconnu, au nom de l’histoire et de l’art français menacés, contre la construction au cœur de notre capitale de l’inutile et monstrueuse Tour Eiffel. »(1) ! Ce genre de protestation est tout-à-fait assassin. Il a conduit à la destruction - sinon de la Tour Eiffel qui cependant l’a échappé belle - du moins de nombreux chefs-d’œuvre de l’architecture métallique du XIX° siècle : en particulier les grandes salles des machines des expositions universelles de 1889 et 1900. De même l’esthétisme de Franck Evrard a partie liée avec le vandalisme puisqu’il souscrit au projet de destruction de la grande salle du Grand Écran pour la remplacer par huit banales petites salles. Nous nous opposons à cette perspective car :
1) La salle du Grand Écran est la seule grande salle du sud-est parisien, située dans un quartier qui hormis les cinémas est un quasi-désert culturel ;
2) Nous n’avons rien dans le principe contre un multiplexe, mais la Ville de Paris étant propriétaire de la vaste esplanade qui jouxte le Grand Écran entre l’avenue d’Italie et le centre commercial Italie2, nous sommes partisans - si multiplexe il doit y avoir - de l’aménager à cet endroit où est prévue une extension du centre commercial. Cette solution permettrait de préserver la grande salle qui est le cœur et la raison d’être de l’immeuble "Grand Écran" construit en 1991 par Kenzo Tange (dont le grand historien et critique d’art Michel Ragon affirme qu’il était précisément cette année-là « sans doute le plus grand architecte du monde » (2)).
Si votre chroniqueur a eu le loisir de se renseigner sur notre site internet (3) il a pu constater que le Grand Écran - avec son hall-verrière métallique géant et sa grande salle - est la réplique d’un édifice tout-à-fait comparable réalisé par Kenzo Tange au Japon (voir photos). A cela s’ajoute le fait que le Grand Écran est la seule construction à Paris de Kenzo Tange, et le seul témoin dans la capitale de l’architecture monumentale japonaise de la seconde moitié du XX° siècle. Il contribue donc à la richesse et la diversité architecturales de Paris, et il est fâcheux qu’un grand lettré comme Franck Evrard apporte de l’eau au moulin des partisans du vandalisme à l’égard de cet immeuble.
Association Sauvons le Grand Ecran
(1) cité dans : Michel Ragon - « L’Histoire de l’architecture et de l’urbanisme modernes » - Tome 1 page 831. (2) Ibidem, Tome 3, page 207. (3) voir : "Le Grand Écran de Kenzo Tange".
* Le projet de multiplexe a été depuis abandonné par Pathé, qui a remis sa salle en vente en début d'année. Un projet conforme à la vocation du Grand Écran s'est fait jour, avec un repreneur qui envisage d'en faire une salle de concert et de spectacle pluridisciplinaire. Il prévoit notamment d'ouvrir la fosse d'orchestre - qui existe mais n'a encore jamais servi - et de conserver l'écran géant notamment pour des retransmissions en direct d'opéras et autres évènements culturels.Mais les négociations concernant ce beau projet, bien que présentées fin avril par Jérôme Seydoux comme "très avancées", sont actuellement bloquées. Le jeune chef d'orchestre qui a budgétisé toute l'opération (achat des murs + travaux) déplore de ne pouvoir négocier directement avec Pathé-Gaumont, mais avec un marchand de biens qui aurait déjà signé une promesse de vente. Cette société immatriculée à Cancale depuis février 2013 (voir cet article du Figaro) fait monter les prix... et prétend désormais exploiter directement la salle avec un projet de salle de concert pop-rock qui ne garantit pas à priori la conservation du complexe Grand Écran dans son intégrité. Tout danger n'étant pas écarté, notre combat continue pour obtenir sa protection au titre du patrimoine.
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