BERTRAND DELANOË et le
GRAND ECRAN Italie :
COMPTE-RENDU DE MANDAT à
le 8 décembre 2008
____
Le lundi 8 décembre,
lors du compte-rendu de mandat de Bertrand Delanoë à la mairie du
13ème, la toute première question posée au Maire de Paris concernait le Grand Ecran Italie :
Questions posées :
La première
intervenante, qui a précisé avoir sélectionné cette question entre toutes
parmi les diverses causes défendues par les associations, a demandé au
maire quelles mesures il comptait prendre pour la réouverture
de la salle, fermée depuis trois ans, et que Serge Blisko,
le prédécesseur de Jérôme Coumet à la mairie du 13ème, s'était engagé
à protéger.
A son tour Fabrice Piault, président de
l'association Tam-Tam*,
a déploré que depuis la fermeture du Grand Ecran la place d'Italie soit devenue
un désert culturel (et le royaume de la frite !), et que la vie
culturelle reste désormais concentrée à l'extrémité est du 13ème
(dans le quartier Paris Rive-Gauche) à l'exclusion du centre de
l'arrondissement. Il demandait le classement du complexe audiovisuel dans le
cadre du prochain Plan Local d'Urbanisme.
*
association
spécialisée dans les questions d'urbanisme.
Ú
Réponse de Bertrand Delanoë :
A Paris, il y a plus d'écrans qui se créent que
d'écrans qui sont supprimés. La population évolue, des cinémas se créent,
d'autres disparaissent, mais il s'attache à ce qu'il y ait toujours plus
d'écrans. Entre soutenir le cinéma indépendant, et racheter le Grand Ecran, il
y a de la marge. En ce qui concerne le quartier de la place d'Italie, il y a le
projet Pathé, signé par le grand architecte Renzo Piano, qui permettra le sauvetage du Rodin. La mairie a aussi
le projet de rénover
Nos commentaires :
Notre première
réaction est d'abord de nous demander si ces propos sont bien ceux du maire de
Paris !
En
effet :
-
La plupart des écrans qui se créent sont des multiplexes, parfois au détriment
des salles de proximité du centre ville, plus que jamais menacées. Mais
s'est-on préoccupé de savoir si les gens ne préféraient pas la réhabilitation
de ces salles conviviales, souvent chargées d'histoire, aux usines à pop-corn ?
Et si on peut se féliciter de la multiplication des écrans, et tout au plus
admettre la fermeture de salles vétustes, comment peut-on accepter la
condamnation délibérée d'un des équipements les plus récents et les plus
performants de la capitale, au bout de treize ans et demi seulement de bons et
loyaux services, pour y installer des enseignes commerciales déjà bien
implantées aux quatre coins de la ville ?
-
Et en quoi le fait que "la population évolue" justifie-t-il de priver
de son premier pôle d'animation un des arrondissements les plus peuplés
et les mieux desservis de
Paris, qui depuis la fermeture du Grand Écran régresse à la 15ème place (sur
20) pour l'offre culturelle ? Le maire laisse entendre que les changements
d'habitude du public seraient spontanés. Or la désaffection - toute relative -
du Grand Écran ces dernières années s'explique essentiellement par la médiocrité
de sa programmation. Et depuis les fermetures
successives de salles dans le 13ème arrondissement, les spectateurs n'ont pas
d'autre choix que d'aller voir ailleurs !
Il
a été de fait constaté une pénurie d'équipements culturels dans le sud-est
parisien, et une surabondance de magasins de vêtements dans le centre
commercial Italie2.
Or c'est bien aux élus qu'il incombe de veiller aux équilibres
urbanistiques et d'arbitrer en tenant compte des souhaits et besoins de leurs
concitoyens (qui à près de 90% se sont prononcés contre la fermeture du
Grand Écran Italie*).
-
Pourquoi, à chaque fois que la question leur est posée, les élus de la
municipalité se retranchent-ils derrière "l’impossibilité" pour la
mairie de "racheter le Grand Écran", ce que personne ne réclame
? En effet, les multiples demandes de
protection de la salle par les riverains, élus et associations ne
font jamais état d'une telle requête !
En
revanche, depuis 2005, il a été fréquemment demandé au maire de veiller au
respect de la convention
signée avec la Ville de Paris, destinée à protéger la salle de tout changement
d'affectation, et - avant toute décision irréversible - de lancer des appels
d'offres auprès d'investisseurs publics ou privés susceptibles de reprendre
l'activité culturelle. Comment expliquer alors qu'il n'y ait pas eu la moindre
mesure de sauvegarde ni le moindre encouragement aux propositions de reprise
des opérateurs culturels (exploitants de cinéma ou de spectacle vivant) prêts à
investir dans la relance de l'activité du Grand Écran, et que le
projet commercial (qui viole de toute évidence les obligations du cahier des charges)
ait reçu l'aval du maire en CDEC ?
-
Au sujet du projet Pathé,
le maire omet de préciser que celui-ci a été négocié avec EuroPalaces
(Pathé-Gaumont) en contrepartie
de la cession d’activité du Grand Écran Italie. Et que son coût, sous l'égide
d'un des plus prestigieux
architectes internationaux, sera lui aussi très élevé. On a donc sacrifié le
principal centre d'attraction de l'arrondissement, qui accueillait un vaste
public populaire venu de toute l’Ile-de-France, pour édifier à sa place un musée du cinéma,
principalement réservé à un noyau de spécialistes ! Et s’il faut bien sûr se
réjouir de la renaissance du Rodin, doit-elle nécessairement se faire au prix
de ce marché de dupes
?
-
Est-ce enfin le rôle du maire de Paris de poser pour principe le critère de
rentabilité ? D'autant qu'on a peine à croire à la
"situation critique" évoquée pour cet établissement**, qui se maintenait à
l'époque de sa fermeture dans le peloton de tête
des salles Paris-périphérie, et "dégageait encore du chiffre". Et
quand bien même le prétendu déficit du complexe audiovisuel serait avéré, la mission
des collectivités n'est-elle pas de soutenir les secteurs d'activité qui n'ont
pas pour vocation première d'être rentables ? Que seraient la
Comédie-Française, le Chatelet, l'Opéra, la Cité de la Musique, le Forum des
Images… et tout simplement le cinéma français… sans les aides publiques ?
Il
est également regrettable que le maire persiste à présenter le Grand
Écran - considéré comme viable par de nombreux professionnels - uniquement
comme un "cinéma", sans jamais prendre en compte les extraordinaires
potentialités de cette salle polyvalente
(conçue aussi bien pour les retransmissions télévisuelles et sportives, le
spectacle vivant, les concerts, et toute forme d'évènement et de manifestation***...), et sans évoquer
non plus sa possible reprise par des professionnels du spectacle et de
l'audiovisuel.
A
l'heure où le secteur de la culture est reconnu facteur de croissance et
d'emploi, Bertrand Delanoë aurait pu se saisir de l'occasion pour répondre à la
récente lettre ouverte
qui l'interpellait à ce sujet. Il n'en fut rien. Pas un mot non plus sur le projet
multiculturel pour la renaissance de la salle présenté par l’association, pas
plus que sur les recours
engagés auprès du Tribunal Administratif, qui ont réussi à bloquer le projet de
démolition !
...
Dans la suite du discours du maire, il fut beaucoup question de démocratie.
Mais faut-il le rappeler, la liquidation programmée du
Grand Écran Italie a été décidée sans aucune concertation avec les parisiens,
et contre la volonté exprimée
de milliers de cinéphiles.
En
dehors de tout processus démocratique, il semblerait au contraire que ce projet aberrant,
préjudiciable à l'arrondissement, soit sorti du chapeau de quelques décideurs
(qui n'y habitent sans doute pas) pour qui le Grand Écran ne représente qu’une
ligne comptable parmi d'autres, insuffisamment rentable à leur goût !
En
vérité la position du maire - la même depuis trois ans - apparaît de moins en
moins défendable, et sa réponse vite expédiée toujours aussi décevante sur
cette question qui préoccupe les habitants... Jusqu'à quand la mairie
restera-t-elle sourde à leurs appels ?
Ú
Voir
:
* Référendum
"Zurban".
** Réponse
du Ministère de la culture à Nicole Borvo (fév.
06)
→
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Voir aussi :
→ Lettre Ouverte au
Maire de Paris
→
"La vérité sur les
arguments... invoqués pour justifier la fermeture du Grand
Ecran Italie "
→
"Les personnalités politiques veulent-elles vraiment agir ? L'exemple de
la fermeture du Grand Ecran de la place d'Italie", par le Treizième Citoyen
→
"Les missions des
pouvoirs publics en matière culturelle"