Extraits du Discours du Président CHIRAC aux Rencontres Européennes de la Culture, le 2 Mai 2005

 

 

… Dans un monde qui semble ne réserver qu'une place sans cesse plus restreinte à tout ce qui ne concourt pas immédiatement à la recherche du profit, les cultures doivent aussi résister à la déferlante de produits standardisés. Nous devons défendre résolument la diversité des cultures dans le monde, car l'uniformisation serait un danger immense. Pour cela, la vitalité de notre création constitue l'un de nos atouts les plus précieux.

 

Au moment de construire l'Europe politique, la culture doit plus que jamais inspirer notre ambition commune. C'est une responsabilité que les politiques partagent avec les artistes et les intellectuels. Et c'est le sens même de l'appel "Pour une Europe fondée sur la culture" lancé le 8 juin 2004, et dont je souhaite qu'il puisse trouver le plus large écho.

 

L'ensemble des États européens reconnaît l'importance de la culture dans la vie de la Cité. Elle exprime les plus hautes aspirations de l'homme, sa soif de beauté, d'absolu, de vérité, de perfection. Elle est porteuse d'un dynamisme et d'une créativité nécessaires au progrès de nos sociétés. Elle constitue, pour les individus, un facteur d'émancipation et d'épanouissement. Pour toutes les nations d'Europe, elle n'est pas une activité secondaire, subsidiaire, elle est une valeur fondamentale.

 

Nous reconnaissons aussi que la culture ne peut pas être livrée au jeu du marché, pas plus qu'elle ne doit être inféodée à l'État. La concentration menace la diversité culturelle au même titre que la concurrence sauvage. Il est donc nécessaire et légitime que la puissance publique - c'est-à-dire nos États, c'est-à-dire aussi l'Europe - intervienne comme garante de la liberté d'expression et de la diversité culturelle …

 

…La reconnaissance de la spécificité des biens culturels s'appuiera ainsi sur des fondements juridiques solides et incontestables. L'Union européenne y trouvera les bases d'une pleine reconnaissance des aides d'État en matière culturelle. C'est déjà l'un des points forts de la directive "télévision sans frontières", qui sécurise les systèmes nationaux de soutien à la production audiovisuelle. Nous devons étendre ce type de démarche, et la Constitution pour l'Europe va nous y aider puissamment. La France sera très vigilante à cet égard.

 

Le Traité facilitera aussi une pleine reconnaissance des industries culturelles. Celles-ci jouent un rôle essentiel pour soutenir des pans entiers de la création et diffuser la culture vers le public le plus large. Il faut consacrer leur statut particulier. Elles méritent d'être encouragées et soutenues pour constituer, autant que possible, des champions européens dans la compétition mondiale. C'est notamment le sens des propositions françaises qui visent à une réflexion commune sur la fiscalité des biens culturels

 

…. Pour le cinéma et l'audiovisuel, cette situation a des racines économiques : l'exportation des productions européennes est difficile car elles doivent trouver leur rentabilité sur des marchés nationaux plus étroits que ceux de nos très grands concurrents. Une intervention publique est donc légitime pour tenir compte de cette donnée. C'est l'inspiration du programme Média, qui est justement dédié à améliorer la circulation des films européens, en Europe et dans le monde. Il mérite d'être prolongé et développé.

 

D'ores et déjà, l'Union européenne facilite les liens entre artistes et institutions culturelles à l'échelle du continent pour créer un vaste espace culturel européen. Je pense par exemple au réseau THEOREM, qui réunit des festivals et des théâtres afin de produire et de diffuser dans toute l'Europe des spectacles issus des nouveaux pays membres, ou bien au réseau Varèse dans le domaine de la musique contemporaine. Il faut multiplier et amplifier toutes ces initiatives.

 

Les ateliers qui ont travaillé pour préparer vos rencontres ont fait de très intéressantes propositions. Je retiens particulièrement entre autres la suggestion de créer un label du patrimoine européen, qui viendrait combler un vide entre la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO et les mesures nationales de protection. Désigner ainsi les monuments, les lieux de mémoire les plus remarquables de notre patrimoine commun favorisera la prise de conscience de notre identité culturelle.

 

De même, la proposition d'un fonds européen de garantie pour faciliter la circulation des expositions au sein de l'Union mérite d'être attentivement étudiée…

 

…De quoi s'agit-il concrètement ? De reconnaître que la culture n'est pas une marchandise, qu'elle ne peut donc être abandonnée au jeu aveugle du marché. C'est la conviction qui nous anime dans la construction de l'Europe, mais transposée à la mondialisation.

 

C'est tout le sens du combat pour l'exception culturelle que la France et l'Europe, ensemble, ont mené sans relâche depuis plus de dix ans, animées de la conviction forte que l'OMC, et les discussions commerciales qui s'y déroulent, ne sont pas le bon cadre pour traiter des échanges culturels. Portée par la mobilisation sans faille des professionnels de la culture, notamment les cinéastes, la France n'a cessé, avec d'autres, de se battre, pour défendre ce principe. C'est un combat rude et qu'il faut livrer sans relâche, car les enjeux économiques sont considérables. C'est aussi de notre vision de l'homme qu'il s'agit, car l'exception culturelle est une affirmation politique et morale de la plus haute importance : l'affirmation qu'il existe des activités humaines qui ne sauraient être réduites à leur dimension marchande.

 

Grâce à la Constitution pour l'Europe, le principe de l'exception culturelle, auquel nous sommes tous profondément attachés, sera définitivement consacré. Par dérogation à la règle commune, le Traité constitutionnel exige en effet l'unanimité des Etats pour négocier et conduire des accords commerciaux en matière de services culturels et audiovisuels. L'Union, comme la France, ne transigeront jamais avec la défense de l'exception culturelle. Elles continueront d'en porter la conception la plus exigeante…

 

(Voir l’intégralité du Discours)

 

 

 

ACCORDS GATT

 

En ce qui concerne le commerce des biens culturels, le maintien de l’Article IV de la Partie II de l’Accord du GATT qui contient une clause spéciale relative aux films cinématographiques et qui permet d’imposer des quotas à l’écran, exigeant la projection d’un minimum de films de production nationale, aussi que l’exception générale qui concerne les mesures destinées à protéger les "Trésors nationaux de valeur artistique, historique ou archéologique (Article XXf) " vont dans le sens de la doctrine de " l’exception culturelle ". Les autres biens culturels sont soumis aux obligations du GATT.